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26/09/2018

Un Film de recueil de témoignage d'anciens accueillis

L'idée est de réaliser cinq ou six petits films de recueil de témoignages. L'ensemble des scènes constituera un film complet dont le but est de faire ressortir à la fois ce qui fait lien, comment le LVA a permis à ces personnes d'évoluer, de grandir, de se construire.

Se questionner sur « le passage en lieu de vie ». Lieu de construction, de reconstruction, lieu de« dernière solution » ?
Des parcours, des trajectoires croisées de jeunes majeurs en lieux de vie.
Des jeunes qui ont vécu plusieurs années dans ces lieux, qui sont attachés au lieu, qui reviennent parfois, et qui sont engagés dans la vie active, affective, et personnelle.
Comment leur vie actuelle est-elle imprégnée de ce passage ? Comment cette étape les a construit ?
Quelle parole peuvent-ils donner à leur histoire ? Quels liens gardent-ils avec ces lieux, avec les personnes qui les font vivre et qui les ont accompagnés ?

Nous sommes à la recherche d'autres anciens accueillis qui seraient d'accord pour apporter leurs témoignages. Les LVA ayant des coordonnées à nous communiquer peuvent le faire par le biais de « nous contacter » en bas de la page d'accueil du site de la FNLV. Thomas Roussillon a une approche très respectueuse des personnes et les rencontre une première fois (seules ou accompagnées d'un permanent) avant de démarrer quoi que ce soit.

Christian Borie

Thomas Roussillon – le 25 septembre 2018
Origine du projet
Lorsque Camille Lebourgeois me sollicite il y a un an, c'est pour me proposer un projet de film :
l'idée d'un film qui s'intéresserait au vécu des jeunes issus d'un parcours en lieu de vie, plutôt sous forme de témoignage. Quels regards portent ces jeunes sur leur passage en lieu de vie, maintenant qu'ils sont adultes ?
Une rencontre s'impose avec celles et ceux qui sont passées par ce lieu d'étape. Avec pour moi, l'évidence d'un film construit sur la parole, terrain de ma pratique documentaire. Je rencontre alors Fetta et Damien passés par La Porte Ouverte, puis Lisa et Mickaël passés par le Soleil Levant. Ils me racontent leur histoire, leur parcours d’adolescent, leur placement, puis leur situation actuelle... Une vie marquée pour toujours par leurs années passées en lieu de vie.
Je mesure très vite la reconnaissance que chacun porte aux responsables de ces lieux, celles et ceux qui ont su les protéger, les rassurer, les guider sur le chemin des possibles... Aussi, même si chaque histoire est singulière, l'arrivée en lieu de vie est bien souvent malheureusement l'ultime solution, la dernière étape lorsque les autres propositions ont échouées (maison d'enfants, foyer, placement en famille d'accueil).
Le lieu de vie est plus qu'un lieu, c'est une « famille recomposée » qui les aide à grandir. C'est une famille qui les accompagne lorsque les voies de recours sont épuisées, lorsque justement la famille est absente ou devenue impuissante, parfois même depuis le plus jeune âge.
Pour comprendre ces parcours individuels, il est nécessaire de recueillir une parole qui mesure la distance, et nous donne une idée du chemin personnel d'ores et déjà accompli depuis leur placement. Des expériences de vie partagées parfois enrichies de celles des autres dans un même lieu de vie. Des êtres fragiles en évolution, qui se débattent et qui trouvent les clés d'une ouverture. Je mesure alors la complexité du projet et distingue alors deux difficultés pour me concentrer sur le témoignage de ces jeunes. Ainsi, même si ce film est une commande, et que je mesure le travail accompli par les femmes et les hommes qui gèrent les lieux de vie, le but du projet n'est pas de faire un film hommage aux responsables de ces lieux de vie, en ne plaçant justement pas les protagonistes du film dans cette position facile au premier abord. La deuxième difficulté essentielle consiste à préserver les protagonistes des raisons douloureuses qui les ont conduits au placement. C'est à dire que ce n'est pas par exemple indispensable de connaître les raisons intimes qui ont conduit au placement de tel enfant. Cela peut-être simplement suggérer (dans le cadre de violences par exemple) car le propos du film ne se situe pas à cet endroit. Il s'agit en effet plutôt de voir en quoi le lieu de vie agit comme un lieu de respiration, de mouvement, de reconstruction, de dépassement de soi et de son histoire personnelle.
Une fois ces limites intégrées et affirmées, il s'agit de sonder dans les parcours individuels de chacun ce que son passage en lieu de vie lui a appris, en tant qu'enfant, adolescent, puis jeune adulte. Il s'agit d'explorer ces étapes en interrogeant les souvenirs du passage en lieu de vie. Essayer de comprendre ce qui a pu être le déclic pour se reconstruire sur un plan affectif, humain, scolaire...
En fin de compte, qu'est-ce que « grandir en lieu de vie » ? Et comment cette expérience créée des liens solides qui les accompagnent aujourd’hui au quotidien dans leur situation actuelle ?
C'est dans cet esprit que j'ai imaginé ce premier film-maquette construit sur le regard croisé de deux jeunes habitants Lisa et Mickaël du Soleil Levant, qui ont grandi sous le regard de Camille Lebourgeois. Il fallait trouver une manière de convoquer le souvenir de ces années passées. L'idée était d'utiliser les photographies prises en lieu de vie pour réveiller la mémoire des moments passés ensemble pour ces jeunes. Des moments qui sont importants à leurs yeux parce qu'ils ont rythmé leur vie quotidienne : les jeux, les fêtes, les sorties, les activités... Des moments qu'ils ont partagé ensemble et qui ont construit leur histoire. Car il y a cette dimension collective dans le lieu de vie, renforcée par le fait de se sentir appartenir à une famille d'adoption. Les impliquer dans cette recherche photographique pour que l'on ouvre ensemble l'album de leurs années passées en lieu de vie.
Dans ce contexte, les photographies ont une portée affective très forte, puisqu'elles racontent l'histoire de tous ces moments qu'ils n'ont aussi pas partagé dans leur propre famille. Ces moments qui vont les amener à parler d'eux. De là, on peut imaginer que des liens se sont créés entre résidents du lieu de vie, des amitiés, des solidarités ou simplement des regards croisés...
L'utilisation de ces photographies est un moyen de réveiller cette parole, puis d'interroger le regard que l'on porte sur celui que l'on a été, et sur celle avec qui on a été forcé de grandir, non sans difficulté, parfois dans un partage bénéfique. Si une des forces du lieu de vie est d'avoir pu tisser et garder des liens pérennes avec ces jeunes des années après leur départ, son intérêt réside également dans la manière dont chacun va trouver sa place dans ce mode de vie collectif.
Ce pourquoi, ce dispositif peut alors révéler par un effet miroir, ce qu'il reste aujourd'hui de ce passage en lieu de vie. Comment enfin il a été possible de trouver un espace et une place dans cette nouvelle vie commune temporaire.
Le projet à venir
Fort de ce premier film et de cette expérience, j'imagine aujourd'hui le projet sous forme de films courts de maximum 15 min. sur le modèle de ce film-maquette. C'est à dire que je propose de réaliser 6 films sur 6 lieux de vie, qui exploreraient le regard de 2 à 3 résidents pour chaque lieu de vie. Pour être plus précis, je souhaiterai que chacun de ces 6 films courts explore une dimension singulière d'un lieu de vie. Par exemple, ce film-maquette rend compte de l'importance d'un apprentissage rendu possible par la pratique de l'équitation, et qui a permis non seulement d'apporter des clés individuelles à Mickaël et Lisa, mais aussi de les faire se rencontrer et par là même affirmer leur être, leur sensibilité, leur personnalité.
Je souhaiterai explorer désormais cette intention dans d'autres lieux de vie sur ce même principe, ce qui pourrait constituer une série de 6 films courts, qui témoigneraient par la parole vécue et intime, de ce qui se joue dans ce placement, et la manière dont il peut se transformer en une force motrice pour ces jeunes.
La portée de ce travail à terme serait de constituer un film dont les témoignages pourraient se faire écho dans la manière dont ce passage a été marquant ou déterminant dans ce qu'ils deviennent aujourd'hui. C'est à dire qu'après cette exploration des lieux, des histoires et des choix des jeunes, je serai mieux à même de mesurer si des thématiques apparaissent et si je possède la matière nécessaire à construire un film dont les témoignages pourraient se compléter, se prolonger et s'approfondir d'une situation à l'autre, d'un lieu de vie à l'autre. Un film qui pourrait alors réunir tous les lieux et tous les jeunes participants et témoigner ainsi de l'utilité, de la nécessité, ainsi que de
l'aspect déterminant de cette période dans le parcours futur de ces jeunes.