Tribune contre l'intégration des LVA dans les schémas d'organisation

Évènement

12/09/2025

Tribune de la Fédération Nationale des Lieux de Vie et d’Accueil (FNLV) : Pourquoi l’intégration des LVA dans les schémas d’organisation menace leur efficacité – et comment les préserver ?


Les lieux de vie et d’accueil (LVA) sont des structures à taille humaine, portées par des initiatives citoyennes où des porteurs de projet ouvrent leur foyer, leur vie quotidienne et leur réseau à des personnes accueillies, en alternative aux institutions. Ce modèle repose sur l’entrelacement des sphères privée et professionnelle, fondé sur un engagement mutuel et un choix partagé. Un modèle unique, reconnu mais mal compris.

Depuis la loi de 2002-2, les Lieux de Vie et d’Accueil (LVA) bénéficient d’un statut spécifique au sein du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Ce cadre, souvent perçu comme une exception, est en réalité la clé de leur succès :

  • Autonomie de projet : Contrairement aux Établissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS), les LVA ne dépendent pas des appels à projets ni des schémas départementaux ou régionaux. Leur création repose sur l’initiative citoyenne de porteurs de projet, qui définissent eux-mêmes leur public et leur méthode d’accueil.
  • Flexibilité opérationnelle : Pas de contraintes de diplômes obligatoires, de normes architecturales standardisées ou de grilles tarifaires rigides. Les LVA fonctionnent comme des maisons ordinaires, où la vie quotidienne prime sur les protocoles institutionnels.
  • Engagement humain exceptionnel : Le responsable du LVA vit au quotidien avec les personnes accueillies, bien au-delà des 35 heures hebdomadaires. Cette permanence relationnelle permet de répondre à des besoins que les structures classiques ne peuvent satisfaire.

Résultat ? Des accueils plus longs et plus stables, même pour les situations les plus complexes (troubles du comportement, ruptures familiales, addictions, etc.). La DREES (Direction de la Recherche des Études et des Statistiques) le confirme dans ses rapports : les LVA obtiennent des résultats.

Pourtant, ce modèle, efficace et économique, est aujourd’hui menacé.


Une remise en cause dangereuse : l’intégration aux schémas d’organisation

Depuis plusieurs années, certains conseils départementaux et acteurs institutionnels poussent à intégrer les LVA dans les schémas sociaux et médico-sociaux. Leurs arguments ?

  • "Nous devons contrôler ces structures alors qu’elles ne travaillent pas forcément pour nous" → oui c’est bien normal puisque c’est la liberté d’entreprendre
  • "Elles ne répondent pas aux normes des ESSMS" → Justement : c’est cette différence qui fait leur force.
  • "Il faut uniformiser l’offre" → Au risque de tuer ce qui marche ?

Le vrai problème ? Une méconnaissance du terrain. Beaucoup de départements confondent les LVA avec :

  • Des gîtes et structures non-autorisées
  • Des séjours de rupture (sans cadre juridique),

Or, les LVA sont une troisième voie, hybride entre le familial et le professionnel, avec un cadre légal strict (autorisation préfectorale, évaluation régulière) qui fonctionne très bien si on le respecte.

Pire encore : la réforme de la protection de l’enfance (2025), portée par Catherine Vautrin, envisageait explicitement d’"intégrer les LVA aux schémas" pour "renforcer le pilotage des départements". Si cette mesure était appliquée, les conséquences seraient désastreuses :

Fin de l’initiative citoyenne → Les projets seraient imposés par les schémas, non plus portés par des engagés.

Standardisation des accueils → Normes architecturales, diplômes obligatoires, tarifs figés et supérieurs… adieu la souplesse !

Disparition des accueils complexes → Sans liberté de choix, qui acceptera les cas les plus difficiles ?


Pourquoi les schémas d’organisation sont incompatibles avec les LVA ?

Les schémas départementaux fonctionnent sur une logique de planification centralisée :

  1. On identifie des "besoins" (ex : "10 places pour adolescents en rupture").
  2. On lance un appel à projets avec des critères stricts (m² par personne, ratios encadrants, diplômes requis).
  3. On finance les structures qui correspondent… et on écarte les autres.

Problème : les LVA ne rentrent pas dans ce moule.

  • Leur public n’est pas prédéterminé : c’est le porteur de projet qui choisit avec qui il veut vivre.
  • Leur mode de fonctionnement est unique : une maison ordinaire, pas un établissement médicalisé. Chaque LVA est unique dans son projet.
  • Leur succès repose sur l’engagement humain, plus que sur des normes administratives.

Les LVA : une solution, pas un problème

Plutôt que de vouloir normaliser les LVA, les pouvoirs publics devraient :

Les reconnaître comme un outil complémentaire aux ESSMS, indispensable pour les situations complexes.

Former les départements à leur spécificité pour éviter les confusions avec d’autres dispositifs.

Sanctuariser leur autonomie pour préserver leur capacité d’innovation sociale.

Car aujourd’hui, les LVA répondent à des besoins que personne d’autre ne prend en charge :

  • Jeunes en rupture totale (refusant les foyers),
  • Adultes en grande précarité psychique (non stabilisés en psychiatrie),
  • Victimes de trafics (prostitution, réseaux criminels) ayant besoin d’un cadre protecteur et discret. Ceux-ci nécessitent de l’éloignement que seuls les LVA proposent.

Supprimer leur liberté, c’est condamner ces personnes à l’errance.


Notre appel solennel

À l’heure où la protection de l’enfance et l’accompagnement des adultes vulnérables font face à des défis sans précédent, les LVA sont une partie de la solution.

Nous demandons :

🔹 Le maintien hors schémas pour préserver leur agilité et leur efficacité.

🔹 Un dialogue renforcé avec les départements pour mieux faire connaître leur modèle. 🔹 Un soutien politique clair contre toute tentative d’uniformisation qui affaiblirait leur impact.

Le cadre des LVA n’est pas un privilège – les LVA sont des laboratoires d’humanité, où l’on prouve chaque jour que la solidarité peut transformer des vies.

 

 

Nous faisons appel à l’ensemble du réseau des LVA pour relayer cet appel et lui donner la plus large visibilité possible. Toute personne pouvant nous mettre en relation avec des contacts dans les médias, le monde politique ou l’administration est invitée à nous les communiquer.

 

Paquereau Yannick. Secrétaire général de la FNLV.


Fédération Nationale des Lieux de Vie et d’Accueil (FNLV) 📧 secretaire.general@fnlv.org | 📞 07 87 80 25 96 | 🌐 www.fnlv.org

 

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